Fragment du cirque élastique de la revolution

Fragment du cirque élastique de la revolution

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[accordion-item title=”English”]
Fragment du cirque élastique de la revolution is kantô I.1 of the multilingual Open Epic, as rendered by the Elastic Circus of the Revolution. It is a long prose poem written in French.

This kantô, the first ‘book’ object within the epic (but not the first presented), recounts the attempt of an unnamed poet to follow a path towards an uncertain salvation. It has a very deliberate intertextual relationship with the Inferno’s very first canto, and follows the structure of the fictional Dante’s launching of his epic to revise and reconstruct the major movements and thematics of that first canto. In Fragment, the poet’s initial call and march is interrupted right from the get-go, and a cycle of repetitive attempts at re-launchings, within the book object, and, outside on other platforms (internet, private and public spaces etc…) is constantly re-formulated. It thus initiates what turns out to become an endless and continuous attempt at beginning, at finding a path, at narrating the tale – with full cognition of the fragmented nature of the experience disallowing a smooth passage from any one state to another.

With a rapturous rhythm, a passionate tone and humorous sensibility, this long poem takes the reader through multiple geographic and psychic landscapes, through phantasmagoric sites and encounters, through existential dilemmas and philosophical and practical conundrums. The three beasts along the road in this first canto are no longer animal hybrids, but the Œuvre itself (l’Œuvre), the Other (l’Autre), and the Soul/Self (l’Ame/le Moi). No other poet comes to the rescue either, but it is a creature encompassing the very three beasts that promises to present the only road to a salvation (of sorts).

The text itself, along with the chronicle of its unfurling, with its expansion, transformation and recreations, and an analysis of the theoretical underpinnings, carry on over time and all together will constitute the on-going kantô I.

Kantô I also takes into account the modalities of writing and interpretation within its unfolding and performs the problematic of translation through constant regenerations. Parallel fragments occurring over time will bring to the fore the rewriting and transformation wrought by the author in other languages. The theoretical apparatus, along with the constant unveiling of the canto’s writing are thus presented through multiple avenues, and become part of the oeuvre itself – parallel fragments within the open epic.
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[accordion-item title=”Excerpt”]
En plein milieu du chemin de la vie — ,

chants de toits chants de rues, ça reprend, pue la tyrannie pue l’assassin, grrr grrr,

assassin je t’aurai cette fois cette fois c’est moi, assassin griffé assassin décoré assassin titré,

woof woof c’est bien ça comme un chien que j’aboie, pour te tenir loin,

loin je dis, lou-iiiinnnnnnnn woof woof,

c’est à vous tous que je m’adresse, têtes de gouvernements fils de putes, anciens combattants, anciens assassins en cette heure si honorables hein, même vous les soi-disant résistants, d’ici de là-bas, exilés et revenants, barbares et grandes gueules,

oust je vous dis, je vous l’ordonne, oust oust à l’instant woof woof grrrr!

Fils de Téhéran, fils des banlieues amerloques, fils de la langue française malgré moi,

poeta persa dans mes nouvelles digues,

exilé de l’exil comme je dis toujours, fier sans-patrie, reculant refusant,

fils des révoltes et fils des ruptures, fils des enchantements et des errances, fils de New York,

fils des terres brûlées, des Amériques conquises, des Asies estompées ravagées, de l’Europe nouveau-né,

ça reprend, je murmure dans une allée sombre,

ça reprend.

Tyrans présidents guides suprêmes qui nous avez mené sur cette voie maintenant pleine d’ordures… Tant mieux! Ça fait du bien! Je suis parti certes — et je me promets de ne pas revenir non plus (je sais bien que vous vous en foutez!): aucun retour mythologique, aucune nostalgie démesurée, pas de sentiment d’attachement à quoi que ce soit,

danseur émerveillé saluant les mystères qui règnent tout autour, fils des feux et des flammes,

plus de marionnettes plus de clowns plus d’âmes imaginaires perdues cette fois j’écris ‘je’ — aucune fiction, aucune délibération (pas vrai!), cri du coeur (non plus!), cri d’ensemble (là, si, plutôt vrai), premier et dernier cri, saoulerie du je, d’écrire je,

ivresse de l’écriture du je, en plein milieu du chemin de la vie, après les bombes que lancent mes pays, au pluriel…

Je parle de l’Iran, je parle de l’Amérique, je parle de ces terres un jour les miennes, bombes internes et externes,

bombes métaphoriques et bombes bombardant,

tyrans barbus tyrans costumés, écoutez: j’étais, en mon heure, sage, assis de côté, de loin contemplant les événements, adepte de mon propre édit, imposant un regard consternant, qui se tenait à l’écart… Enfoncé quand même dans la réflexion politique, mais, disons, pas directement accusant… Eh bien, fini hein… messieurs les creveurs d’yeux écraseurs d’esprits,

messieurs les hypocrites artistes des diversions et des destructions,

messieurs les ravageurs mangeurs d’hommes brouteurs de bébés,

messieurs dames déversant les grains de cris les semences d’hivers éternels…

Hein messieurs dames imposant ce langage pervers,

langage que je rejette, que je détruis, pour ériger un nouveau langage, un nouveau monde, je vous salue de loin, et vous dis —

adieu!

En plein milieu du chemin de la vie, je tente cette longue marche vers l’autre côté du pont, hésitant par contre, hésitant, le sac au dos, me demandant si j’y vais, sur cette petite voie montant les pentes, à travers les rues pour atteindre le salut, un certain salut inconnu, là,

entouré de gratte-ciels, de réverbères, de ces toits new yorkais, de bagnoles et des camions, des homies et des hobos et des passants qui ne savent pas que parmi eux,

parmi eux, un homme souffre…

Après les tirs, après les blessures, après le sang coulant sur les trottoirs, après les nouveaux déluges d’anciennes histoires, après le sang,

sang de compatriotes flagellés, sang des abandonnés et des désespérés, sang des abattus, sang des mémoires, sang du ciel, sang des dieux — ,

sang de dieux qui n’en peuvent plus, franchement, de cette cochonnerie qu’on leur attribue,

sang de vierges violées, de vierges abattues de vierges assassinées, sang de vierges révoltées coulant sur les trottoirs, sang de garçons révoltés coulant sur les trottoirs, sang d’assassins inscrivant le nom d’assassins victorieux sur les trottoirs, sang de scripteurs de loin admirant le sang qui coule sur les trottoirs, sang de poètes anarchistes aux visages pâles refusant tout cri tout à-bas, tout à mort, refusant tous les allahouakbares. Refusant tous les noms,

après les marches en silence. Après les cris de silence. Après les révoltes en silence piétinant le sang des trottoirs.

Dans une sombre allée de la ville, un homme

va tenter un autre passage, ce chemin des lumières, le dernier vers les libérations, c’est comme ça qu’on dit, vers l’autre côté, comme on dit,

les bonnes voies étant, les bonnes voies étant, les bonnes voies étant…

Ça reprend: chants bâtards de régimes forcenés. Viols. Cris et brouhaha — qui aussitôt disparaissent des chaînes de radio et de télévision… Comme ça, j’avais raison en pensant que tout allait disparaître après un p’tit bout de temps… Les meurtres et les assassinats après les stupides conférences et les rassemblements et les démonstrations. Le sang qui coule sur les trottoirs, et les pavés, et dans les chambres de domiciles attaqués et dans les prisons sinistres et les tombes. Et puis, on entend un petit chuchotement qui dit que ce n’est pas grave,

c’est comme avant. Comme toujours… Et viendront les prochaines vagues d’exilés, les vagues de nostalgies et de rêves, le Grand Retour à la terre première, et les tentatives de révoltes et les rassemblements et viendront aussi les business, et encore et encore les cris, les désillusions, les indifférences,

et encore les leurres…

Ça reprend — hélas… Et là, dans cette sombre allée, guettant les flâneries interminables, c’est un garçon — ,

un garçon-phénix, un garçon-fantôme, un garçon-aigle, un garçon qui refuse le nom, qui refuse les noms,

un garçon à l’unicorne crochue, à l’enjambée exquise, un garçon au regard d’émerveillement, aux ailes décimées,

un garçon qui, au lieu de sa bite, a un fardeau qui lui pend entre les jambes ou, comme les copains disaient au lycée, son bengala,

garçon dont on pourrait couper le bengala — le couper! — ou le brûler — le brûler! — s’il parlait trop,

un garçon qui crie,

crrrrraaaaa-crrrrrraaaa crrrrrraaaaa-crrrrrraaaaa

un garçon qui hurle aaaaaaaaaaarggghhhh aaaaaaaaaaaaarrrggggghhhhhhhhhhhh aaaaaaaaahhhhhh,

un garçon-cheval galopant sur les plaines et les déserts d’outre-mondes,

un garçon-femme, garçon-enfant,

un garçon ancien héros de spectacles interdits dans les places publiques de royaumes enchantés…

Garçon-mime. Garçon-clown. Garçon-funambule jadis traversant les sentiers invisibles de villes imaginaires sur un fil dans les nuages…

Garçon-géant,

qui se dresse face aux policiers, face aux forces de l’ordre et grandit et grandit jusqu’à ce que les forces de l’ordre, les forces des tyrannies, les forces des lendemains sans merci, s’enfuient,

s’enfuient, dis-je,

face à son feulement féroce,

grrrrrrrrrrrrrrr grrrrrrrrrrrrrrrrrr,

grrrrrrrrrrrrrrr grrrrrrrrrrrrrrrrrr…
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