Dîvân
ISBN 2-85446-396-X Janvier 2006, 12×21, 64p., 12 Euros
Collections “imaginaires”
An embattled madman, an escaped and enraged – and puppet-like – refugee puts down his bag in the middle of the street and tell his story – or does he: continuously pulling on the strings that hold him up – why: to kill, or liberate, himself – he also proposes the edicts of a poetics. The anguish of his voice, his overall agitation, suffocate his tale from the get-go. But he persists, and carries on. An incantation, a pleading, a howl: to tell, despite it all, to tell still.
A subversion of the concept of “Complete Works” (the meaning of “Divan” in Persian), fashioning meaning through the Persian and French acceptations of the terms, the book also functions on both the literary and theatrical registers, constantly and playfully — the phenomena of reading and performance. An existential meditation, the piece also puts into motion questions of beginnings and endings, openings and closures, fragments and totalities.
point final (dit-il), crie pas gueule pas (il crie), remets-toi en route te plains pas (il demeure assis), divané –
(une marionette jouant un homme, un ‘divané’ – fou en persan – à la chevelure dorée contant l’histoire du Divan, il a l’air dépourvu et sans resources: un vagabond s’étant échappé d’une guerre ayant longtemps erré, il dépose derrière lui un lourd sac qu’il porte sur son épaule: des cordes retiennent ses bras, son corps et sa nuque, et contrôlent ses mouvements)
Français
ISBN 2-85446-396-XJanvier 2006, 12×21, 64p., 12 Euros
Collection “imaginaires”
Harangue de rue, incantation, exorcisme. Le fou sublime, en persan: “divané”, le vagabond éhappé d’une guerre, dépose derrière lui son sac et raconte son histoire. Conitnuellement tyrant sur sa corde (pourquoi: se suicider, ou se libérer), l’angoisse de sa voix et son agitation étranglent d’avance son érict: il recommence et recommence: raconter quand même, contre le silence…
Dîvân joue aussi bien sur le registre de la lecture que celui du théâtre. Interrogation sur l’écriture elle-même, le livre constitute une exploration des phénomènes de la lecture et de la performance. Il demeure, tout au long, une interrogation sur le sens des débuts et des fins, des ouvertures et des clôtures, des fragments et des totalités.
point final (dit-il), crie pas gueule pas (il crie), remets-toi en route te plains pas (il demeure assis), divané –
(une marionette jouant un homme, un ‘divané’ – fou en persan – à la chevelure dorée contant l’histoire du Divan, il a l’air dépourvu et sans resources: un vagabond s’étant échappé d’une guerre ayant longtemps erré, il dépose derrière lui un lourd sac qu’il porte sur son épaule: des cordes retiennent ses bras, son corps et sa nuque, et contrôlent ses mouvements)
Sing chante, une voie délibérément délirant libérant sans livres sans mots sans paroles sans tentatives d’élaborations d’illuminations de révélations de démonstrations sans index ou plan ou table ou même le règne des fragments non (si si, il dit), libérant de la libération même Sing proclame, le Divan n’est-il pas un bégaiement après tout (si je pense, il dit), un bégaiement un écho de bégaiement Sing demande (il tire sur sa corde, celle qui le retient, fort et bien), d’hésitation de parole forcenée d’expression se bagarrant Sing se demande (oh les questions), l’au secours point si les signes les langues et le monde te font signe du contraire Sing demande comment dit-on eh oh écoutez-moi écoutez-moi pas eh oh je suis là écoutez-moi Sing plaide (il commence à tousser), eh oh je suis là comment dit-on (il tousse et grogne et rote), pas (il prend un pas), pas à pas (il s’arrête brusquement), pas à pas (prend un autre pas), papa (il s’écrie), Sing hurle papa pourquoi t’ont-ils (il n’arrive pas à finir la phrase), Sing chante papa où t’ont-ils (il n’arrive pas à finir la phrase), Sing crie papa comment t’ont-ils (il commence à laisser échapper des sons grotesques de divers orifices de son corps, délirant, et commence à hurler, souffrant), Sing chantera toujours ton chant papa (il crache), maman pourquoi Sang me nommas-tu et pas Sing t’aurais dû (il recrache et rote), maintenant où es-tu (il rote et tousse et crache et grogne), Sing hurle papa pourquoi t’ont-ils arrêté où t’ont-ils torturé comment t’ont-ils tué je dis, moi Sing (il tire, fort et bien, sur la corde qui le retient), enchanté –
III
pour ça (il se demande), pour ça sûrement (il dit), mais pas uniquement (il rajoute), que j’invente (il tousse), pas à pas j’invente (il commence à ériger un taudis avec des boîtes en carton), un pas je détruis (il descend les fondations de son taudis), un pas je construis (il reconstruit), un pas je détruis (il redétruit), un pas je franchis (il demeure assis), un pas je rumine (il se lève et marche et réfléchit), car Sing je suis jeune Sing divané (dit-il en persan), divan-é (dit-il en français), Sing sans sœur elle se suicida Sing sans père on le tua Sing avec mère qui le nomma Sang (il éternue), qui du changement de nom n’en revient pas (tant pis c’est comme ça), Sing son fils, Sing son fils, c’est ainsi je dis, Sing –
et j’invente et j’invente et j’invente point (il commence comme un contortioniste à manipuler les membres de son corps de mille façons étonnantes lors du discours qui suit, tout en continuant les manipulations de la corde qui le retient – pourquoi, se libérer, se suicider, ou bien – ), dans le coin de la boîte debout le batteur de jazz dans son monde et Sing dans le sien (il se souvient) un homme assis seul perdu sans ses pensées lui aussi (il tire, fort et bien, sur la corde qui le retient), la fumée qui s’élève (il mime un personnage fumant), pas un fumeur Sing non (il rit), mais un buveur ça oui (il sourit), divané divan-é ça oui (il répète et sort une bouteille de ses pantalons), vous en voulez (il offfre à un spectateur), et vous (il offre à un autre spectateur), et vous (il lève la bouteille offrant à tous), et vous et vous et vous (il sort des petits verres plastiques), je blague pas (il dit sérieusement), alors avec ça Sing pas Sang blague pas (il répète), jamais il blague Sing avec ça je répète (il tousse), alors (il retousse), divané (dit-il en persan), divan-é (dit-il en français), alors (il redemande), tant pis (qu’est ce qu’il fait là mais…), tant pis (oh la la) tant pis (non non ça va ça va), ou bien tant mieux (il sourit), peut-être une autre fois (il demande à un spectateur), hein une autre fois (il redemande au même spectateur), un autre endroit (il dit parlant au même specateur), une boîte de jazz c’est ça (il redemande au même spectateur), une petite boîte c’est ça (il dit marchant oubliant le spectateur), c’est ça (il demande), c’est ça (il murmure), une petite boîte de jazz quelque part (il se souvient), à Harlem où j’habitais (il demande), ouais là à Harlem où j’habitais ça serait cool hein (il sourit), un batteur enivré un homme seul dans son coin (il se souvient), Sing debout méditant guettant l’ombre d’un autre moi (il se rappelle), c’est ça (il murmure) c’est ça (il répète), autremonde autrendroit autrefois (il murmure), c’est ça (il répète) c’est ça (il se rassoit) –
autremonde autrendroit autrefois (il murmure debout méditant), dans le cimetière Sing debout (contemplateur), Sing pas Sang regardait (seul, serein), Sing entouré de blocs jaillissant de la terre Sing méditait (silencieusement murmurant), contemplateur, dans la bruine, ciel blanc pesant, aucun bleu, aucun soleil, aucune nuage, seul Sing (seul), seul Sing seul (se souvenant), soupirant Sing levait les bras (il lève les bras), Sing fermait ses yeux (il ferme ses yeux), Sing respirait profondément (il respire profondément), Sing gardait en l’air ses bras (il garde ses bras en l’air), Sing silençait (il silence), il silence (Sing silence), il silence (Sing silence), le verbe oui il silence il invente (Sing silence), il voit les visages des assassins (il murmure), il voit les pillages (il murmure), il voit les longues marches des rescapés le long de ces chemins ténébreux, il entend les cris étouffés des torturés des lynchés des violés dans tous les coins des forteresses des oppresseurs dans les confins de tous les pays (il dit plus fort), Sing perturbateur d’idées reçues immolateur d’empires dépourvus destructeur d’univers façonnés par tout langage autre que le sien (il s’écrit), Sing s’écrie (il couvre ses yeux), Sing ouvre ses yeux (il murmure), Sing ouvre ses yeux (il dit un peu plus fort), Sing ouvre ses yeux et commence à voir (il lève ses bras et étreint le ciel), Sing ouvre ses bras Sing étreint le ciel (il grandit il grandit), Sing devient gigantesque comme le monde (il commence à pousser des ailes), Sing commence à pousser des ailes (ses yeux commencent à briller), ses ailes poussent (ses ailes poussent), ses yeux brillent (ses yeux brillent), son front brille (son front brille), il flotte (il flotte), il vole (il vole), dans le ciel parmi les nuages de haut il mire (il sourit), il voit (il voit), devin prophète (il rigole), déité (haha), il invente (il sourit), il erre il flotte il vole et invente et invente et détruit les lois et les langues et invente (il crache), un nouveau monde une nouvelle vérité (il tire, fort et bien, sur la corde qui le retient), de nouvelles vérités (il rigole), c’est ça (il demande), c’est ça (il murmure), Sing je me nomme enchanté –